Dacos
Au gravail ! Au gravail ! Pas une pinute à merdre !

dimanche 14 octobre 2012

Sacré bonhomme. Je me souviens de notre première rencontre, c’était en 1973 ou en 1974, j’étais à l’époque au Cabinet des Estampes, encore étudiant. il venait de recevoir le Prix de la Ville de Liège, il rentrait de Méthamis, il avait postulé pour succéder à Georges Comhaire à l’académie. Je connaissais son nom, j’avais déjà vu une de ses gravures. J’ai découvert l’homme. Déjà à cette époque, il ne parlait, ne pensait, ne vivait que par la gravure. Sans concession.
Nous nous sommes retrouvés à l’académie. Dans son atelier. Je n’avais pas besoin de connaître son horaire de professeur. Le connaissait-il lui-même ? Dacos était toujours là. Ou presque. Je le taquinais souvent : « T’es cô là ti, Dacos ? ». Je crois bien que si je lui avais demandé de m’aider à résoudre un problème d’impression, il aurait pu venir à quatre heures du matin un jour de vacances si cela avait été nécessaire. Toujours disponible.
Enseigner la gravure, faire partager sa passion n’a pas toujours été facile, les inscriptions dans l’option gravure ne se bousculaient pas. Un euphémisme. Pourtant, jamais il n’a baissé les bras, multipliant les expositions, créant la Poupée d’encre, les Biennales de gravure, les stages pendant les vacances à Liège ou à l’étranger, participant à la création de notre dépôt d’estampes ici à Wégimont, débordant d’imagination pour montrer et promouvoir la gravure. Entier.
Formé comme instituteur, il avait conservé du métier l’exigence du terme juste, le goût et le plaisir des mots, préférant un dictionnaire historique de la langue française ou un recueil de poésie à tous les romans, fussent-ils policiers : « Hé, Delaite l’historien de l’art, tu sais d’où vient le mot limoger ? ». Narquois.
C’était aussi un formidable râleur. Évidemment. Il aimait bousculer. il savait aussi quelquefois être de mauvaise foi. Ses jugements étaient souvent sans appel. Et pour critiquer un travail qu’il n’appréciait pas, l’oeil pétillant : « Ne regarde pas ça, tu vas t’abîmer les yeux ! ». Espiègle.
Dacos était infatigable, infaillible et d’une ténacité à toute épreuve lorsqu’il s’agissait de rappeler une échéance, de faire connaître une exposition, un appel à candidatures, une presse à vendre, une référence ou un format de papier, l’adresse d’un fournisseur ou le mail d’un graveur : son « Palm » puis son « Blackberry » à portée de main dans une de ses innombrables poches. Et s’il n’avait pas -sur le moment la réponse à une question, même sur la manière de cuisiner les lentilles vertes du Puy, on la recevait quelques heures plus tard par courriel. Toujours.
Écrire qu’il va me manquer, c’est vraiment très peu dire.

Philippe Delaite